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Comment mangez-vous ?
Entre plat cuisiné surgelé et cuisine du marché... Une analogie pour vous dire comment je fais mon vin.
Depuis longtemps je cherche à expliquer simplement ma démarche. Jusque là je tombais vite dans des notions trop compliquées. Voilà qu'une comparaison m'est venue, qui parlera je pense à un grand nombre.
Que mangez-vous ? Êtes-vous plutôt celle ou celui qui met un plat surgelé tout préparé dans son four micro-ondes, ou celle/celui qui va faire son marché pour se mijoter un petit plat, quitte à y passer 1 heure ou 2 ? Ou dans une des nombreuses situations intermédiaires ?
L'oenologie moderne nous pousse vers le plat cuisiné surgelé
il est absolument maîtrisé, a du goût, cela peut-même être assez époustouflant. Osons le dire, il peut parfois être plutôt bon, ressembler à s'y tromper à un plat « maison », mais en tous cas une chose est sûre : il est bourré de technologie :
- technologie de la conservation : pour garder aux aliments leur saveur, leur texture, leur goût, il faut une grande maîtrise du froid
- technologie de l'agro-alimentaire : les aliments sont potentiellement déstructurés puis reconstitués, pour correspondre à ce que l'on estime être « le goût majoritairement attendu »
- technologie de l'emballage : il faut que le produit donne envie d'être acheté, qu'il soit facile à déballer, compatible avec un four micro-ondes pour aller plus vite, etc...
- technologie des coûts avec des composants optimisés pour réduire le besoin de matières premières nobles, remplacées par du minerais, des épaississants, des arômes artificiels...
Or en œnologie aujourd'hui, on vous propose tout cela (l'image vous surprendra mais vous verrez ça ne fonctionne pas trop mal) :
- une œnologue de mon entourage m'a expliqué son métier : je déstructure la matière première pour ensuite la reconstruire comme j'exige qu'elle soit »
- le vinificateur d'aujourd'hui met ses raisins dans une cuve, les fait descendre à 10-12°C, grâce à une grosse pompe à chaleur qui mange plein d'énergie, comme ça, il est tranquille pour faire ses vendanges, puis sa « »paulée » (fête de fin de vendanges). Quand tout le monde est parti, qu'il est au calme, alors «il fait du vin » ! C'est facile, confortable. On appelle ça « les macérations pré-fermentaires à froid » et on les justifie par l'extraction de la couleur, qu'elle permet, en effet.
- le vinificateur s'amuse en parallèle avec le soufre, qui permet de bien tuer les bestioles, de protéger de l'oxydation (toutes ces triturations ont un effet assez terrible en terme d'oxydation), et d'extraire la couleur (1er indicateur d'un grand vin, c'est bien connu)
- il balance potentiellement toutes sortes de poudres fournies légalement par l’œnologie moderne, chères mais tellement rassurantes ( à commencer par des levures qui orienteront le profil aromatique et gustatif, de l'acidité si besoin, des tanins, des enzymes etc...), tout cela restant bien sûr légal et alimentaire
- jusqu'au bout il corrige si besoin, sur fond d'analyses, d'observations et de dégustations, pour aboutir à tout prix à ce standard international rond, aromatique, puissant si possible, et qui plaira au plus grand nombre, puisqu'on lui rabâche que c'est ça, un grand vin
L'heure du Kit Pizza
Pour certains réfractaires à l'ultra-technologie, l’œnologie fait un compromis : c'est l'heure du kit-pizza.
On vous fait croire que vous faites vous-même à manger : on vous vend un kit, qui contient la pâte (à étaler, quand même), la sauce ( à étaler aussi), et sûrement quelques petites choses à poser artistiquement sur la préparation précédente : là, vous avez toute liberté !!! Puis on enfourne et hop, on a fait sa pizza, sans trop de risques.
Cela-dit, il y a déjà un effort par rapport à la pizza surgelée : on prend le risque de se tacher, de se brûler ou de brûler la pizza...
De même, l’œnologie peut jouer à faire croire au vinificateur qu'il fait toujours son propre vin. Il reste sous la dépendance d'un œnologue qui prend la plupart des décisions à sa place, mais qui a le talent de lui laisser le champ libre de temps en temps, pour faire comme si. Il lui propose quelques petits additifs optionnels de temps en temps, histoire de gommer telle ou telle imperfection, mais il le laisse les choisir et les mettre lui-même ! Et au bout du compte, le vinificateur en oublie presque que son oenologue est intervenu, il s'approprie totalement le résultat. Voire même il prend quelques initiatives, qui lui donnent le frisson, et finissent de le convaincre qu'il est maître à bord.
Et le résultat est toujours plus ou moins conforme à ce que tout le monde attend, puisque l'œnologue y a veillé, discrètement : la pizza ressemble à peu près à une pizza.
Les aliments crus prêts à cuisiner
L'étape suivante en cuisine, est l'aliment prêt à cuisiner : le légume épluché surgelé, prêt à cuire ou à réchauffer. Le légume en sachet cuisson vapeur au micro-ondes. Le filet de viande ou de poisson surgelé ou en barquette. Le tout acheté dans une grande surface pour la facilité.
Vous franchissez encore une étape : là il faut maîtriser l'assaisonnement et toute la cuisson. Il faut avoir encore un peu plus de connaissances, de maîtrise, de temps et de confiance en soi.
Pour le vin c'est pareil, dans ce cas, peu importe la qualité de la matière première, le vinificateur n'a pas le temps de s'attarder à ça, de toute façon il corrigera si nécessaire. Il rentre donc son raison, ou le raisin qu'il achète, peu importe, c'est du raisin. Et ensuite il le travaille pour en faire du vin. Mais comme il n'a pas l'absolue maîtrise de la matière première, il va utiliser les artifices de l’œnologie moderne pour arranger tout ça et faire en sorte que ça corresponde à ce que la majorité attend.
Je peux aussi avoir cette démarche avec du poulet label rouge, des légumes surgelés de bonne origine, et préparer un plat simple et goûteux.
Là le vinificateur aura choisi avec soin ses raisins de négoce, quitte à signer des engagements pluri-annuels, avec un niveau d'exigence élevé et rémunéré en conséquence. Il aura vinifié avec un interventionnisme modéré, car il sait que les raisins sont équilibrés, goûteux, savoureux...
La Cuisine du Marché
L'étape suivante, la cuisine du marché, nécessite du courage, de l'audace même : vous décidez de faire votre marché, de choisir parmi ce que vous trouvez (ce qui est proposé en fonction des saisons, de l'année), puis vous épluchez, découpez, décarcassez, et enfin vous cuisez tout cela pour vous faire un petit plat maison.
D'ailleurs vous vous êtes sûrement rendu compte que si les ingrédients sont de très grande qualité / fraîcheur, une préparation ultrasimple pouvait suffire. Un certain nombre de très grands restaurants travaillent aujourd'hui sur ces bases, pour notre plus grand plaisir.
En passant, je préciserai que le bio pourra y contribuer, mais pas forcément : sans parler du bio de supermarché, d'origine Hollandaise ou Espagnole, je suis parfois révoltée lorsque j'achète des légumes bio d'ici, qui s'avèrent pourris ou inutilisables lorsque je les déballe 2 jours après pour les travailler... Arrêtons de dire « c'est bio, c'est naturel, donc c'est bon ».
La comparaison vaut encore pour le vin : un vin très « nature », s'il est très déviant, me pose problème.
Il me paraît surtout important de connaître son fournisseur, sa façon de travailler, puis le niveau de fraîcheur, de netteté, de ce qu'il nous vend... Avis très personnel !
Cette étape suppose quelques pré-requis !
- avoir son réseau de fournisseurs, de confiance
- avoir la connaissance des saisons pour savoir quoi acheter
- avoir la connaissance des matières premières pour les optimiser : savoir découper la viande, vider le poisson, préparer les légumes (savoir cuisiner chaque partie...)
- avoir confiance en soi : ça va coûter un peu plus cher, on va y passer du temps, et au final on prend le risque de mal préparer, mal cuire, d'aller trop ou pas assez vite... donc d'être déçu.
Transposons au vin :
- le vigneron (vous remarquerez que je change de terme) commence par travailler avec soin dans ses vignes pour obtenir la qualité de raisins requise : le raisin doit « tout simplement » arriver mûr et sain à la cuverie . Pour cela il faut connaître son parcellaire sur le bout des doigts et le visiter souvent, ne rien laisser au hasard.
Un négociant peut bien sûr avoir la même démarche à travers un contrat adapté avec un vigneron. - Il ramasse le raisin de ses vignes, et ne cherche pas à gommer les écarts liés au millésime (diminuer ou augmenter l'acidité ou le sucre, etc...). Il le manipule avec soin, pour ne pas l’abîmer,car il n'y aura aucune correction ensuite.
- Il n'ajoute pas forcément de soufre car finalement il n'en a pas besoin : il ne triture pas la vendange, et le raisin est sain, donc le soufre n'est pas obligatoire.
Il intervient très peu car il sait que ses raisins ont suffisamment de choses à raconter : il en connaît l'origine et la saveur, pour les avoir goûtés et re-goûtés, d'ailleurs il les observe depuis le début du cycle, à chaque fois que qu'il passe pour travailler dans ses vignes puis pour le suivi de la maturation.
Pour autant, je ne suis pas fainéante, je me suis pas mal usée dans mes vignes (parlez-en à mon ostéopathe...), et dans ma cuverie. Au final je vais encore mettre une grande énergie à me taire et à ne rien faire parfois ! Ce n'est pas chose facile que de « perdre le pouvoir »...
- je lâche mes certitudes et j'observe modestement, afin de n'intervenir que lorsque c'est nécessaire. Je me laisse guider par mes sens, mon intuition, et mon expérience
- je prends le risque qu'à l'arrivée cela ne plaise pas à tout le monde : je sais que ce vin me correspondra, alors forcément, il dérangera certains... Je l'accepte.
- son allure (couleur, turbidité) et son goût ne seront pas standardisés, il seront le reflet de l’enchaînement des saisons du millésime correspondant, sans artifice : si juillet a été ensoleillé, il aura de la couleur, sinon il en aura moins. Idem pour les tanins. Si septembre est beau, il aura de l'alcool, sinon il sera plus léger. Mais toujours très digeste... Et il sera le reflet de mes états-d'âme. Si j'ai baissé les bras à une étape, on le sentira. Si j'ai osé aller au bout de mes intuitions, il aura sans doute ce petit plus inimitable...
Entre plat cuisiné surgelé et cuisine du marché... Une analogie pour vous dire comment je fais mon vin.
Depuis longtemps je cherche à expliquer simplement ma démarche. Jusque là je tombais vite dans des notions trop compliquées. Voilà qu'une comparaison m'est venue, qui parlera je pense à un grand nombre.
Que mangez-vous ? Êtes-vous plutôt celle ou celui qui met un plat surgelé tout préparé dans son four micro-ondes, ou celle/celui qui va faire son marché pour se mijoter un petit plat, quitte à y passer 1 heure ou 2 ? Ou dans une des nombreuses situations intermédiaires ?
L'oenologie moderne nous pousse vers le plat cuisiné surgelé
il est absolument maîtrisé, a du goût, cela peut-même être assez époustouflant. Osons le dire, il peut parfois être plutôt bon, ressembler à s'y tromper à un plat « maison », mais en tous cas une chose est sûre : il est bourré de technologie :
- technologie de la conservation : pour garder aux aliments leur saveur, leur texture, leur goût, il faut une grande maîtrise du froid
- technologie de l'agro-alimentaire : les aliments sont potentiellement déstructurés puis reconstitués, pour correspondre à ce que l'on estime être « le goût majoritairement attendu »
- technologie de l'emballage : il faut que le produit donne envie d'être acheté, qu'il soit facile à déballer, compatible avec un four micro-ondes pour aller plus vite, etc...
- technologie des coûts avec des composants optimisés pour réduire le besoin de matières premières nobles, remplacées par du minerais, des épaississants, des arômes artificiels...
Or en œnologie aujourd'hui, on vous propose tout cela (l'image vous surprendra mais vous verrez ça ne fonctionne pas trop mal) :
- une œnologue de mon entourage m'a expliqué son métier : je déstructure la matière première pour ensuite la reconstruire comme j'exige qu'elle soit »
- le vinificateur d'aujourd'hui met ses raisins dans une cuve, les fait descendre à 10-12°C, grâce à une grosse pompe à chaleur qui mange plein d'énergie, comme ça, il est tranquille pour faire ses vendanges, puis sa « »paulée » (fête de fin de vendanges). Quand tout le monde est parti, qu'il est au calme, alors «il fait du vin » ! C'est facile, confortable. On appelle ça « les macérations pré-fermentaires à froid » et on les justifie par l'extraction de la couleur, qu'elle permet, en effet.
- le vinificateur s'amuse en parallèle avec le soufre, qui permet de bien tuer les bestioles, de protéger de l'oxydation (toutes ces triturations ont un effet assez terrible en terme d'oxydation), et d'extraire la couleur (1er indicateur d'un grand vin, c'est bien connu)
- il balance potentiellement toutes sortes de poudres fournies légalement par l’œnologie moderne, chères mais tellement rassurantes ( à commencer par des levures qui orienteront le profil aromatique et gustatif, de l'acidité si besoin, des tanins, des enzymes etc...), tout cela restant bien sûr légal et alimentaire
- jusqu'au bout il corrige si besoin, sur fond d'analyses, d'observations et de dégustations, pour aboutir à tout prix à ce standard international rond, aromatique, puissant si possible, et qui plaira au plus grand nombre, puisqu'on lui rabâche que c'est ça, un grand vin
L'heure du Kit Pizza
Pour certains réfractaires à l'ultra-technologie, l’œnologie fait un compromis : c'est l'heure du kit-pizza.
On vous fait croire que vous faites vous-même à manger : on vous vend un kit, qui contient la pâte (à étaler, quand même), la sauce ( à étaler aussi), et sûrement quelques petites choses à poser artistiquement sur la préparation précédente : là, vous avez toute liberté !!! Puis on enfourne et hop, on a fait sa pizza, sans trop de risques.
Cela-dit, il y a déjà un effort par rapport à la pizza surgelée : on prend le risque de se tacher, de se brûler ou de brûler la pizza...
De même, l’œnologie peut jouer à faire croire au vinificateur qu'il fait toujours son propre vin. Il reste sous la dépendance d'un œnologue qui prend la plupart des décisions à sa place, mais qui a le talent de lui laisser le champ libre de temps en temps, pour faire comme si. Il lui propose quelques petits additifs optionnels de temps en temps, histoire de gommer telle ou telle imperfection, mais il le laisse les choisir et les mettre lui-même ! Et au bout du compte, le vinificateur en oublie presque que son oenologue est intervenu, il s'approprie totalement le résultat. Voire même il prend quelques initiatives, qui lui donnent le frisson, et finissent de le convaincre qu'il est maître à bord.
Et le résultat est toujours plus ou moins conforme à ce que tout le monde attend, puisque l'œnologue y a veillé, discrètement : la pizza ressemble à peu près à une pizza.
Les aliments crus prêts à cuisiner
L'étape suivante en cuisine, est l'aliment prêt à cuisiner : le légume épluché surgelé, prêt à cuire ou à réchauffer. Le légume en sachet cuisson vapeur au micro-ondes. Le filet de viande ou de poisson surgelé ou en barquette. Le tout acheté dans une grande surface pour la facilité.
Vous franchissez encore une étape : là il faut maîtriser l'assaisonnement et toute la cuisson. Il faut avoir encore un peu plus de connaissances, de maîtrise, de temps et de confiance en soi.
Pour le vin c'est pareil, dans ce cas, peu importe la qualité de la matière première, le vinificateur n'a pas le temps de s'attarder à ça, de toute façon il corrigera si nécessaire. Il rentre donc son raison, ou le raisin qu'il achète, peu importe, c'est du raisin. Et ensuite il le travaille pour en faire du vin. Mais comme il n'a pas l'absolue maîtrise de la matière première, il va utiliser les artifices de l’œnologie moderne pour arranger tout ça et faire en sorte que ça corresponde à ce que la majorité attend.
Je peux aussi avoir cette démarche avec du poulet label rouge, des légumes surgelés de bonne origine, et préparer un plat simple et goûteux.
Là le vinificateur aura choisi avec soin ses raisins de négoce, quitte à signer des engagements pluri-annuels, avec un niveau d'exigence élevé et rémunéré en conséquence. Il aura vinifié avec un interventionnisme modéré, car il sait que les raisins sont équilibrés, goûteux, savoureux...
La Cuisine du Marché
L'étape suivante, la cuisine du marché, nécessite du courage, de l'audace même : vous décidez de faire votre marché, de choisir parmi ce que vous trouvez (ce qui est proposé en fonction des saisons, de l'année), puis vous épluchez, découpez, décarcassez, et enfin vous cuisez tout cela pour vous faire un petit plat maison.
D'ailleurs vous vous êtes sûrement rendu compte que si les ingrédients sont de très grande qualité / fraîcheur, une préparation ultrasimple pouvait suffire. Un certain nombre de très grands restaurants travaillent aujourd'hui sur ces bases, pour notre plus grand plaisir.
En passant, je préciserai que le bio pourra y contribuer, mais pas forcément : sans parler du bio de supermarché, d'origine Hollandaise ou Espagnole, je suis parfois révoltée lorsque j'achète des légumes bio d'ici, qui s'avèrent pourris ou inutilisables lorsque je les déballe 2 jours après pour les travailler... Arrêtons de dire « c'est bio, c'est naturel, donc c'est bon ».
La comparaison vaut encore pour le vin : un vin très « nature », s'il est très déviant, me pose problème.
Il me paraît surtout important de connaître son fournisseur, sa façon de travailler, puis le niveau de fraîcheur, de netteté, de ce qu'il nous vend... Avis très personnel !
Cette étape suppose quelques pré-requis !
- avoir son réseau de fournisseurs, de confiance
- avoir la connaissance des saisons pour savoir quoi acheter
- avoir la connaissance des matières premières pour les optimiser : savoir découper la viande, vider le poisson, préparer les légumes (savoir cuisiner chaque partie...)
- avoir confiance en soi : ça va coûter un peu plus cher, on va y passer du temps, et au final on prend le risque de mal préparer, mal cuire, d'aller trop ou pas assez vite... donc d'être déçu.
Transposons au vin :
- le vigneron (vous remarquerez que je change de terme) commence par travailler avec soin dans ses vignes pour obtenir la qualité de raisins requise : le raisin doit « tout simplement » arriver mûr et sain à la cuverie . Pour cela il faut connaître son parcellaire sur le bout des doigts et le visiter souvent, ne rien laisser au hasard.
Un négociant peut bien sûr avoir la même démarche à travers un contrat adapté avec un vigneron. - Il ramasse le raisin de ses vignes, et ne cherche pas à gommer les écarts liés au millésime (diminuer ou augmenter l'acidité ou le sucre, etc...). Il le manipule avec soin, pour ne pas l’abîmer,car il n'y aura aucune correction ensuite.
- Il n'ajoute pas forcément de soufre car finalement il n'en a pas besoin : il ne triture pas la vendange, et le raisin est sain, donc le soufre n'est pas obligatoire.
Il intervient très peu car il sait que ses raisins ont suffisamment de choses à raconter : il en connaît l'origine et la saveur, pour les avoir goûtés et re-goûtés, d'ailleurs il les observe depuis le début du cycle, à chaque fois que qu'il passe pour travailler dans ses vignes puis pour le suivi de la maturation.
Pour autant, je ne suis pas fainéante, je me suis pas mal usée dans mes vignes (parlez-en à mon ostéopathe...), et dans ma cuverie. Au final je vais encore mettre une grande énergie à me taire et à ne rien faire parfois ! Ce n'est pas chose facile que de « perdre le pouvoir »...
- je lâche mes certitudes et j'observe modestement, afin de n'intervenir que lorsque c'est nécessaire. Je me laisse guider par mes sens, mon intuition, et mon expérience
- je prends le risque qu'à l'arrivée cela ne plaise pas à tout le monde : je sais que ce vin me correspondra, alors forcément, il dérangera certains... Je l'accepte.
- son allure (couleur, turbidité) et son goût ne seront pas standardisés, il seront le reflet de l’enchaînement des saisons du millésime correspondant, sans artifice : si juillet a été ensoleillé, il aura de la couleur, sinon il en aura moins. Idem pour les tanins. Si septembre est beau, il aura de l'alcool, sinon il sera plus léger. Mais toujours très digeste... Et il sera le reflet de mes états-d'âme. Si j'ai baissé les bras à une étape, on le sentira. Si j'ai osé aller au bout de mes intuitions, il aura sans doute ce petit plus inimitable...
Cette image vaut ce qu'elle vaut, elle n'est qu'une image.
J'aimerais qu'elle vous aide à savoir ce que vous achetez comme vin, car tel est le drame : à l'arrivée, rien ne distingue réellement toutes ces bouteilles, elles ont toutes un bouchon, ou du moins un bouchage, une étiquette qui ne dit pas grand-chose... Amusez-vous à demander à vos fournisseurs, vignerons ou négociants, comment ils mangent, cela vous donnera peut-être un repaire ?
Je ne diabolise pas le plat cuisiné surgelé, d'ailleurs, je dois l'avouer, il me dépanne souvent, lorsque mes vignes ou ma cuverie m'ont épuisée ou retardée. Je suis bien placée pour dire que c'est parfois d'une qualité surprenante. D'autres fois, je me dis que c'est dommage, que j'aurais dû me préparer une simple salade de tomates du jardin...
Je ne diabolise pas non plus l’œnologue morderne. Lorsqu'il allie connaissances techniques, sensibilité personnelle et respect de ses clients, il fait un travail remarquable. J'éprouve une immense reconnaissance pour celui avec qui je travaille, qui supporte et accompagne mes angoisses, mes intuitions comme mes exigences parfois compliquées... Et sait s'effacer lorsqu'il me sent assez forte.
Quant à mes vins, il se promènent entre - cuisine du marché : un idéal basé sur une grande qualité de raisins, vinifiés avec un interventionnisme minimum. C'est la gamme fermentée sans soufre. - plat cuisiné frais et soigné : une approche plus moderne, qui intègre un peu de technologique. C'est la partie dite « classique », dans laquelle la technologie occupe une place très variable d'un millésime à l'autre, d'un lot de raisin à l'autre. Certes je développe les cuvées fermentées sans soufre. Néanmoins aujourd'hui je signe les deux types de vin, car ils répondent à des besoins et des situations différent(e)s.
A chaque moment son plat, et son vin. L'idée n'est pas ici de porter un jugement. L'important est de savoir ce qu'il y a derrière ce que l'on achète, et que ça corresponde bien à ce que l'on imaginait. Bref, un peu plus de transparence...
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le 27 novembre 2013
Retrouvez toutes mes confidences
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